There's Only One Sun
Je commence cette année 2008 en apprenant que je vis dans un monde ou Wong Kar-Wai réalise des vidéos pour ne pas dire des pubs pour les téléviseurs Philips. Admettez que c'est effrayant. Le court-métrage en question a beau être ce qu'il est, on se demande un peu pourquoi Wong Kar-Wai s'en est allé faire ça... Pour mémoire, 2046 du même Wong est, avec Hiroshima mon amour et La mort aux trousses, un de mes trois films de bac. Quand je sais qu'à un an prés, j'aurais eu, au lieu de 2046, L'aurore de Murnau, ça me soulage terriblement. 2046 est une vision de la perfection, extatique réunion de l'image et du scénario, délicieusement teintée de snobisme et de verbeuserie. J'adore, j'adore, j'adore, surtout sur très, très grand écran. C'est, bien sûr, desespérant mais c'est en fait une raison de plus pour adorer. Bref, regardez There's only one sun, nous en reparlerons aprés.
Dans la plus droite lignée de 2046, on retrouve cette esthétique clip si particuliére, à la fois tellement snob et tellement séduisante. De même, on découvre un scénario à la chronologie éclatée et au montage chaotique, difficiliement compréhensible à la premiére vision. Ce génie hypermnésique (par opposition au "cinéma amnésique" dont parle et que hait Christophe Honoré) qu'est Wong Kar-Wai filme amoureusement son actrice qui rappelle avec son chic glamour et sa française froideur les stars des moultes âges d'Or du cinéma mondial, Marlène Dietrich, Greta Garbo, Audrey Hepburn... On pense à Tron, ce navet pourtant primordial dans l'histoire du cinéma, aux films d'espionnage des années 60, dont, évidemment, les James Bond, et à leurs héroïnes sexy. Comme toujours, la musique de Shigeru Umebayashi (la même que pour 2046) donne au film une ambiance mélancoliquement langoureuse. Un mélodrame futuriste et abstrait, comme dirait O.T. En fait, j'adore. Mais le fait que ce soit au service d'un nouveau téléviseur me donne mal au coeur.
Déjà, quand l'art est au service d'un message, genre Andy Warhol tendance la consommation c'est mal, ou d'une opinion politique, j'ai du mal. Bien sûr, l'art est aussi là pour ces choses-là genre ouvrir les yeux tendance sur le triste monde mais n'est-ce pas un péché genre terrible tendance mortelle que de le limiter à cela? Peut-on même simplement appeller cela de l'art? Grande et grave question. Et quand ce qui ressemble à une oeuvre d'art se met au service d'une boîte de production qui demande, je cite, à un réalisateur avant-gardiste réputé pour son utilisation inimitable des couleurs et des lumiéres, et ses atmosphéres captivantes de réaliser un court-métrage vantant les mérites d'un nouveau produit, peut-on toujours considérer cette oeuvre comme étant d'art?
Imaginez-vous Resnais et Duras s'alliant pour les aspirateurs Vampyr... "J'ai vu de la poussiére dans le salon" "Tu n'as rien vu dans le salon, rien."
Ou encore Hitchcok et Kafka pour de l'insecticide: aprés s'être fait coursé par l'avion dans une haletante scéne au supsense... haletant, Cary Grant se transforme en cafard géant et est exterminé. Un message rouge sang apparaît à l'écran: Avec Cafarygrantypasse, les insectes trépassent.
Beethoven composant un hymne aux croquettes pour chien, Léonard de Vinci peignant une fresque à la gloire des scies électriques, car c'est en sciant que Léonard devint scie, Mozart pour de la mozarrela, Truffaut pour des plantes vertes, Olivier Py pour des pailles, Shakespeare et Cocteau pour des shakers à coktails, Virginia Woolf pour des tampax... Gloups.
Bref, Bonne année 2008, bientôt un article moins pédant et plus centré sur tout ce qui a pu se passer depuis le 13 novembre. (Et Dieu sait qu'il s'en est passé) En attendant, pour paraphraser quelqu'un que je pense pouvoir compter parmis mes amis:
L'année vous souhaite un joyeux moi-même!
Vermeer, Une ruelle,
une pub qu'il réalisa pour la ville d'Amsterdam qui souhaitait redorer son image.